Note d'information de l'ESA
Nº 12-98 - Paris, le 10 avril 1998   [ English Version ]

ISO découvre un nuage de vapeur très dense dans l'espace interstellaire

ISO, l'Observatoire spatial dans l'infrarouge, réalisé par l'Agence spatiale européenne et exploité avec la participation de la NASA, a permis à une équipe d'astronomes américains de découvrir une importante concentration de vapeur d'eau dans un nuage de gaz interstellaire proche de la Nébuleuse d'Orion. ISO a trouvé de la vapeur d'eau en de nombreux endroits de l'Univers, des planètes extérieures du système solaire aux lointaines galaxies, mais la concentration atteinte cette fois ci est vingt fois plus importante que celle observée précédemment dans d'autres nuages de gaz interstellaires.

Cette découverte, présentée dans un article de l'Astrophysical Journal Letters à paraître le 20 avril, pourrait contribuer à expliquer la présence de l'eau dans le système solaire. La présente note d'information paraît en même temps qu'un communiqué de presse sur le même sujet, diffusé par la Cornell University, la Johns Hopkins University, le Harvard/Smithsonian Center for Astrophysics et le Centre de recherche de la NASA Ames.

La vapeur d'eau découverte se trouve dans le nuage moléculaire Orion, une masse interstellaire géante composée principalement de molécules d'hydrogène. Les observations ont été menées à bien en octobre 1997, au moyen de l'un des quatre instruments d'ISO, le spectromètre à grande longueur d'onde, mis au point par une équipe sous direction britannique.

Les astronomes ont reconnu la signature caractéristique des émissions de vapeur d'eau en examinant les grandes longueurs d'onde dans l'infrarouge.

« Le nuage interstellaire que nous avons observé est constamment soumis à des ondes de choc qui compriment et échauffent les gaz qui le composent » explique l'auteur principal de l'article, Martin Harwit, membre de l'Université Cornell et de l'équipe scientifique d'ISO. « La violence qui accompagne la naissance d'une étoile, lorsque celle-ci expulse des jets de gaz à grande vitesse, explique ces ondes de choc. La vapeur d'eau échauffée que nous avons observée résulte de ces collisions. »

Selon Martin Harwit, de telles ondes de choc provoquent aussi bien la naissance d'une étoile qu'elles en résultent. « Elles pourraient déclencher à l'avenir la formation de nouvelles étoiles et planètes, explique-t-il, en comprimant le nuage gazeux que nous avons observé, mais à la seule condition que la chaleur en excès puisse être rejetée. Bien que le gaz interstellaire soit composé principalement de molécules d'hydrogène, la vapeur d'eau joue très efficacement le rôle d'un radiateur dans les longueurs d'ondes infrarouge et contribue pour l'essentiel à refroidir le gaz, facilitant ainsi le processus de formation des étoiles. C'est grâce à l'utilisation du satellite ISO que nous avons pu procéder depuis l'espace aux observations dont nous faisons état aujourd'hui. L'humidité de l'atmosphère terrestre et son opacité aux longueurs d'onde qui nous intéressent les auraient rendues impossibles. »

Des prédictions confirmées

La concentration de vapeur d'eau mesurée par l'équipe américaine dans le nuage moléculaire Orion est d'environ une partie par 2000 en volume, ce qui va bien au delà de ce qui a été constaté jusqu'ici dans l'espace interstellaire. Elle correspond parfaitement, cependant, aux prédictions théoriques figurant dans la thèse de Doctorat de l'un chercheurs de l'équipe scientifique, Michael Kaufman, ancien étudiant de l'Université Johns Hopkins et membre aujourd'hui du Centre de recherche Ames de la NASA.

« Nous nous attendions à détecter une forte concentration d'eau dans ce nuage gazeux, a souligné l'un des membres de l'équipe, Gary Melnick, du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics. Nos observations se sont déroulées dans une région de l'espace interstellaire où les ondes de choc ont anormalement échauffé la masse gazeuse. Cela fait 25 ans que les astrophysiciens affirment qu'une température supérieure à 100° C doit entraîner des réactions chimiques transformant en vapeur d'eau la plus grande partie des atomes d'oxygène contenus dans les gaz interstellaires. C'est précisément ce que nous avons observé dans le nuage Orion ».

Aux sources de l'eau qui nous entoure

L'un des autres membres de l'équipe, David Neufeld, de l'Université Johns Hopkins, pense que la forte concentration de vapeur d'eau constatée dans le nuage Orion peut expliquer la présence d'eau dans le système solaire et sur la Terre elle-même.

« On peut comparer, explique-t-il, le nuage de gaz interstellaire Orion à une gigantesque usine chimique qui produirait en une seule journée suffisamment de molécules d'eau pour remplir soixante fois l'ensemble des océans terrestres. Cette vapeur d'eau peut se refroidir et prendre la forme de petites particules de glace. De telles particules étaient sans doute présentes dans le nuage gazeux dont est issu le système solaire. On peut penser que la majeure partie de l'eau présente dans le système solaire a été produite par une colossale usine à vapeur d'eau similaire à celle que nous avons observé dans le nuage Orion. »

ISO : Bref rappel

ISO a été placé sur orbite en novembre 1995, par une fusée Ariane 44PP lancée du port spatial européen de Kourou, en Guyane française. Premier observatoire astronomique dans l'infrarouge spécialisé dans l'exploration des régions froides et cachées de l'Univers, il a permis d'observer plus de 26 000 objets célestes différents. Ses réserves d'hélium liquide, utilisées pour maintenir son télescope et ses instruments à une température proche du zéro absolu, ont duré beaucoup plus longtemps que prévu, avant de s'épuiser le 8 avril 1998. (Voir la Note d'information à la presse Nº 11-98 du 9 avril).

Pour toutes informations supplémentaires :

Division de la Communication de l'ESA
Tél.: 33 (0)1 53 69 71 55
Fax : 33 (0)1 53 69 76 90

ESA ISO :
Dr. Martin Kessler : 34 (9) 1 813 1253 ou mkessler@iso.vilspa.esa.es


Equipe américaine :
Prof.Martin Harwit : 1 202 479 6877 ou mharwit@ibm.net
Prof.David Neufeld : 1 410 516 8582 ou neufeld@pha.jhu.edu
Dr.Gary Melnick : 1 617 495 7388 ou gmelnick@cfa.harvard.edu
Dr. Michael Kaufman : 1 650 604 0320 ou kaufman@warped.arc.NASA.gov

ISO sur Internet

De plus amples détails sur ISO et une série de photographies sont disponibles sur le site Web

A l'adresse http://www.pha.jhu.edu/~neufeld/orionwater.html des illustrations représentant deux exemples de mesures faites par ISO. On trouve également une photo de la nébuleuse d'Orion prise par la caméra planétaire à grand champ n° 2 du télescope spatial d'Hubble de la NASA.